Dans le cadre de sa participation au projet de renaissance de Lazaretta, Alba vous invite à découvrir un texte poétique et introspectif, écrit en hommage à ce lieu chargé d’histoire. Entre souvenirs personnels et réflexions universelles, ce récit explore l’âme de Lazaretta, cet ancien bâtiment de quarantaine sur l’île de Syros, qui témoigne du passé tout en interpellant sur la fragilité de notre patrimoine.
LAZARETTA,
Je suis là
J’ai choisit d’être là comme une expression ultime.
J’écris pour ne pas oublier…
Nous arrivons lentement sur les côtes abruptes et désertes de Syra, qui ne laissent présumer la présence de l’homme que par les murs de pierres sèches des enclos. Nos yeux perçoivent subitement Lazaretta. Une vision insolite. Il est tard dans la nuit. Sans le deviner encore, le vent qui souffle nous chouchoute à l’oreille un vocabulaire de maladie, insomnie, somnolence … Nous parle de ce mal qui peux contaminer une île, un pays.
Pendant la courte escale le navire est pris d’assaut par une troupe de gardes et d’infirmières nous conduisant à l’intérieur du bâtiment qui impose, comme une forteresse, un sentiment étrange de harmonie entre le ciel, la terre et la mer… et l’homme. Reconnaissance d’une contradiction.
Dans ma « cellule » je regarde par la fenêtre la nuit, jusque’à minuit, et j’écoute la mer, l’odeur du sel, j’accompagne intérieurement le mouvement de l’eau sur les rochers de la côte si proche. Ce séjour me permettra de nettoyer de façon douloureuse les miasmes de mon âme. Parfois, j’entend les femmes et les enfants qui rient et cela me rassure pour continuer d’entretenir une résonance intime du connu.
Lazaretta offre aux passants une pause dans le temps, dans la vie, et peut être lieu ultime du voyage. Elle me parait être au coeur du monde.
Les pestes qui reviennent encore pour assouvir une faim ancienne. Et l’isolement est encore le seul remède utile ou … la fuite comme remède ultime.
Je voudrais tellement conserver ce lieu qui me fait sentir le respect de la vie, de la lumière nourricière, de cette force vitale qui s’oppose à la noirceur, physique et morale, et pourtant je sens qu’elle est destinée à disparaitre et cette idée me serre le coeur. Je veux garder un souvenir vivant.
Lazaretta; Le monde serait-il amputé de ce qu’il fait sa permanence?
Lazaretta est une beauté pas encore brisée.